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© Jean-Félix Fayolle pour Nantes Métropole

Sûreté, Cadre de vie

Assurer la sécurité des personnes et des biens dans les QPV : ils témoignent

Cartographie en coconstruction avec les habitants, urbanisme transitoire, sécurisation des chantiers, prévention en coopération avec les forces de l'ordre... Différents acteurs de la mise en œuvre de la sûreté dans les programmes de renouvellement urbain partagent leur expérience.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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Nantes

Coproduire la sécurité en lien avec les habitants et usagers du quartier

Dans le cadre de la transformation du quartier Grand Bellevue et de la place Mendès-France, la gestion de l’attente prend la forme d’une occupation temporaire pour faire vivre le quartier en transformation, changer le regard sur la place et préfigurer les usages. Une place éphémère dénommée « Station Mendès » a été installée en lieu et place de l’ancien immeuble Dax, démoli en 2023 dans le cadre du NPNRU. Deux collectifs d’architectes y ont imaginé des aménagements temporaires, en s’appuyant sur des échanges avec les habitants et les structures associatives du quartier. L’espace accueille un modulaire qui sert de stockage pour les associations, un espace restauration, un terrain triangulaire dédié aux activités sportives et des gradins. Dix arbres du Quai des Plantes ont été replantés sur le site. Jusqu’à fin 2024, la place accueille des animations sportives, culturelles et sociales trois à quatre fois par semaine. L’enjeu de cet urbanisme transitoire est de continuer à créer du lien social, et de réfléchir à la manière d’occuper et d’habiter les espaces publics, tout en prenant en compte les problématiques de sûreté durant le projet urbain. Ce projet s’intègre au schéma local de tranquillité publique.

À cheval sur les communes de Nantes et de Saint-Herblain, Grand Bellevue est inscrit en zone de sécurité prioritaire (ZSP). Depuis 2019, c’est aussi un quartier de reconquête républicaine. Face aux problématiques d’insécurité et de délinquance, les acteurs du continuum de sécurité se coordonnent à travers la constitution de cadres d’intervention communs. Une organisation évolutive qui intègre pleinement le projet de renouvellement urbain. Dans le secteur Bellevue, un réseau de tranquillité publique fait remonter ses informations dans le cadre de la gestion urbaine et sociale de proximité (GUSP). Pendant le chantier, le groupe partenarial opérationnel (GPO) adapte son ordre du jour aux besoins, en lien étroit avec l’entreprise de BTP. En parallèle, Nantes Métropole souhaite lancer une démarche de coproduction de la sécurité en lien avec les habitants et usagers du quartier.

Nîmes

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Cartographier les problématiques

Dans le cadre du projet de renouvellement urbain mené dans les QPV du Chemin-bas d’Avignon, de Pissevin-Valdegour et du Mas de Mingue, la Métropole et la Ville de Nîmes se sont appuyées sur trois assistances à maîtrise d’ouvrage. Leur mission ? Penser un projet urbain qui intègre les enjeux de sûreté urbaine propres à chaque secteur. Dans le quartier du Chemin-bas d’Avignon, l’étude de sûreté et de sécurité publique (ESSP) a été pilotée par la Ville et la cellule des référents sûreté de la Direction centrale de la sécurité publique du Gard. L’ESSP a permis de cartographier la physionomie de la délinquance et de définir des recommandations en matière de sûreté. Les enseignements tirés ont permis de dégager trois priorités : l’organisation du réseau de voies de circulation, la mise en sûreté des espaces publics et extérieurs, et celle des espaces privés. L’ESSP a aussi mis en avant la nécessité d’une intervention prioritaire sur les franges du quartier et d’une prise en compte de la prévention situationnelle dans l’aménagement des espaces publics et des résidences. 

Dans le quartier de Pissevin- Valdegour, les habitants et acteurs locaux ont été intégrés à la réflexion en amont. Parmi les enjeux et points de vigilance dégagés par le diagnostic de sécurité : le désenclavement, associé à une réorganisation de l’espace, pour favoriser une distinction claire entre espaces publics et privés, et à la sécurisation des traversées piétonnes ; la création de places de parking et la mise en place d’une vidéoprotection. Le diagnostic pointe aussi l’importance d’associer les acteurs concernés (usagers, gestionnaires, polices, chargés de prévention des bailleurs) en amont du projet. Enfin, dernier aspect : l’intensification du système de veille, d’alerte et d’échanges destiné à préparer les chantiers et à anticiper les signes de dégradations éventuels.

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Sûreté et renouvellement urbain : notre dossier spécial

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Montbéliard

Une coordination renforcée pour adapter la sécurisation des chantiers

Montbéliard, le quartier de la Petite-Hollande est en pleine mutation. Face à la recrudescence des dégradations, vols et incendies sur les chantiers, le porteur de projet a mis en place une instance de suivi de la sécurité des chantiers. Maîtres d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre, coordinateurs et entreprises se coordonnent dans le cadre de cette entité technique pour dresser un état des lieux de la situation de chaque chantier en cours (dispositif prévu et difficultés rencontrées), mais aussi pour recueillir les problématiques spécifiques rencontrées par les maîtres d’ouvrage et les entreprises afin de déterminer les besoins de sécurisation pour accompagner le bon déroulé des chantiers (partage du surcoût, des prestations de sécurisation, échange de pratiques et expertise technique, maîtrise des calendriers). 

Ces réunions multi-acteurs ont aussi pour but de préciser les attentes de la ville et les recommandations de la police nationale (gain de temps des interventions, amplification des moyens techniques et renforcement des patrouilles, organisation spécifique, sécurisation de l’accès aux chantiers, des équipements laissés sur place et des lieux…). Cette instance opérationnelle facilite la définition de premières pistes d’action. Dans le cadre de la démolition du centre commercial des Hexagones en 2023, barrières, caméras, surveillance physique, alarme et éclairage ont par exemple été déployés pour protéger le chantier. Sur le terrain, les référents sécurité transmettent au fil de l’eau des informations sur l’état des chantiers. En périodes sensibles, une procédure de contrôle des chantiers a aussi été instaurée et un réseau de vidéosurveillance déployé, en partenariat entre la police nationale et la police municipale. Entre prévention et gestion partagée, l’instance de suivi instaurée constitue un gage de réactivité et d’adaptation au fil de l’eau du dispositif global de sécurisation.

CDC Habitat, bailleur social

Agir sur le terrain pour renforcer le tranquillité résidentielle

Depuis une dizaine d’années, CDC Habitat a déployé une organisation structurée dédiée à la sûreté pour couvrir son parc sur l’ensemble du territoire national. Une stratégie qui s’inscrit dans le temps long et s’appuie sur un travail collaboratif, avec des outils partagés et des interlocuteurs spécialisés. Parmi eux, un directeur de la sûreté « groupe » au niveau national et un acteur régional dédié chargé d’apporter conseils et accompagnement aux responsables de projet et aux directions d’agence. Ces interlocuteurs peuvent s’appuyer sur une cartographie des sites, classés en fonction de leur niveau de sensibilité, et sur des marchés cadres « groupe » pour consolider les interventions du bailleur en fonction des besoins. Un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage peut ainsi être passé pour renforcer la vidéosurveillance et la prévention situationnelle. Ces deux outils permettent d’intégrer les enjeux de sûreté aux opérations de renouvellement urbain, qu’il s’agisse de programmes neufs, de réhabilitation ou de résidentialisation. Pour renforcer la tranquillité résidentielle, CDC Habitat a par exemple mis en place début 2021 des équipes d’agents de tranquillité dans des quartiers prioritaires de la ville (notamment à la Gauthière) de Clermont- Ferrand. Quatre bailleurs locaux se sont engagés dans une démarche de sécurisation commune. Objectifs : centraliser les prestations, uniformiser les modalités d’intervention et partager les coûts. 

Sur le terrain, des binômes d’agents patrouillent dans les sites signalés par les bailleurs et effectuent une veille technique dans les parties communes. Un numéro dédié a été ouvert afin que les locataires puissent signaler tout tapage nocturne. Au quotidien, toutes les informations récoltées sont transmises aux services de police et de gendarmerie. Grâce à la mise en place d’instances partenariales, à la passation de conventions tripartites, et à la responsabilisation des personnels des bailleurs sur le terrain et des locataires, l’implication de CDC Habitat est renforcée au sein du continuum de sécurité.

Garants de la sûreté dans les quartiers : ils témoignent

Eric Bouffet : « La police nationale est fortement impactée par le NPNRU. 7 424 opérations de renouvellement urbain ont eu lieu sur son territoire de compétences. Ses avis ont été pris en compte dans 1 052 de ces opérations. Pendant la phase d’opération, 675 opérations ont mobilisé un groupe partenarial opérationnel (GPO). Les GPO permettent de maintenir une vigilance toute particulière sur les problématiques de sécurité identifiées et de mettre en place des solutions de manière collégiale. Il est important de saisir nos référents sûreté (RS), lesquels peuvent intervenir en amont et durant toutes les phases du chantier pour conseiller les collectivités, et notamment sur la disposition et l’amélioration du schéma de vidéoprotection, permettant par la suite un meilleur pilotage des interventions de nos patrouilles et une exploitation optimale des images dans le cadre des procédures judiciaires lancées. Le RS peut également dispenser des conseils en matière d’éclairage public ou d’aménagement des routes afin de mieux sécuriser l’intervention des secours. Pour un fonctionnement optimal, il faut que chacun s’engage à mettre des moyens dans son domaine de compétences. L’engagement et la coordination des acteurs sont la clé. »

Elizabeth Johnston : « L’opération de renouvellement urbain, c’est une opportunité d’écrire une nouvelle page de l’histoire d’un quartier, tant dans la réalité du quotidien des habitants que dans son image. Pour que les politiques publiques soient durables, bien ciblées et pertinentes pour les territoires, il faut y associer les habitants. Les associer sur les questions de sécurité, c’est recueillir leur ressenti des espaces ou des trajets quotidiens, à travers des marches exploratoires mais aussi des recueils plus réguliers et pérennes d’informations. Il faut également les informer tout au long du process. Le renouvellement urbain ne peut pas être pensé par les seuls opérateurs concernés, il doit prendre en compte les données, besoins et ressources de tous les acteurs de la ville, qu’ils soient directement sur site ou dans la périphérie proche. L’intérêt d’un diagnostic partagé, c’est d’intégrer une dynamique plus large pour que l’ensemble des acteurs puissent être informés et parties prenantes de cette opération. Il faut être proactif dans la création de passerelles à travers les différents champs de compétences, et je pense que l’ANRU peut jouer ce rôle. Avec son guide thématique, l’ANRU offre une occasion de donner un nouvel élan à ce besoin de travailler en transversalité. »

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