Sûreté, Cadre de vie

La sûreté, un enjeu central du renouvellement urbain

La sûreté occupe une place centrale tout au long des projets de renouvellement urbain. À la fois composante essentielle pour repenser les espaces et réussir les chantiers, la sûreté est une condition nécessaire à la transformation durable des quartiers prioritaires de la politique de la ville
(QPV) pour l’amélioration du cadre de vie des habitants.

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Le Comité interministériel de la ville de 2021 soulignait que 26 % des habitants des QPV se sentaient en insécurité, contre 10 % sur le reste du territoire. « Ces habitants, plus vulnérables au niveau socio-économique, sont surexposés aux problématiques de sécurité et de sûreté. À cela s’ajoutent parfois des fragilités architecturales et urbaines », observe Hélène Gros, chargée de mission méthodologie et process d’innovation au sein de l’ANRU. Pour Anne-Claire Mialot, directrice générale de l’Agence, 
« le renouvellement urbain est un levier, aux côtés des autres politiques publiques, pour améliorer la sûreté qui est un élément indispensable à l’épanouissement, à la réussite, au bien-être et à la santé des individus ». Elle permet de renforcer l’attractivité, la diversité fonctionnelle et la mixité sociale, trois objectifs prioritaires du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU). 

Le renouvellement urbain est un levier, aux côtés des autres politiques publiques, pour améliorer la sûreté qui est un élément indispensable à l’épanouissement, à la réussite, au bien-être et à la santé des individus

La circulaire interministérielle relative à la sécurité dans les quartiers du NPNRU, parue en 2022, précise que les interventions coordonnées par l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine doivent « contribuer à créer des conditions plus favorables à la tranquillité publique, à limiter les configurations génératrices d’insécurité, à favoriser les schémas de circulation des forces de l’ordre, et à l’appropriation positive des espaces par les habitants et les usagers ». Le projet urbain, en remodelant les espaces, contribue à améliorer la sûreté dans les quartiers. « C’est un élément de réponse, mais il n’est pas suffisant », résume Alice Collet, responsable de projets cohésion sociale et urbaine au sein de l’ANRU. « Pour répondre aux attentes et aux objectifs, une multiplication d’actions complémentaires des politiques publiques de gestion urbaine et sociale, prévention, sécurité, tranquillité et justice, permettra d’améliorer la sûreté », complète Hélène Gros.

Ces deux notions renvoient à la volonté d’assurer la protection des citoyens mais concernent différents types de risques et réponses associées. La sécurité englobe les dispositifs et actions destinés à prévenir et à gérer les risques non intentionnels (accidents, incendies, risques industriels, catastrophes naturelles) qui peuvent affecter les personnes, les biens ou l’environnement. La sûreté vise à identifier, contrer et minimiser les risques posés par des actes de malveillance volontaires à l’encontre de personnes ou de biens. En matière d’urbanisme, la sûreté regroupe l’ensemble des moyens architecturaux, urbains, techniques, humains et organisationnels destinés à prévenir et à limiter ces délits, dégradations ou incivilités. Dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain, des mesures de prévention et de protection seront déployées pour sécuriser les chantiers et travaux d’aménagement sur l’espace public ou résidentiel.

Des difficultés rencontrées en local

La circulaire de 2022 rappelle qu’une approche globale et une implication de l’ensemble des acteurs du renouvellement urbain et de la sécurité sont nécessaires pour intégrer ces enjeux de sûreté à toutes les phases du projet (élaboration, chantier et post-livraison). Mais ces acteurs font état de difficultés pour la mettre en œuvre. L’ANRU a donc mis en place un comité de pilotage national et des formats collectifs d’échanges d’expérience de porteurs de projet, de maîtres d’ouvrage, et de leurs partenaires locaux. « Il y a un constat global d’augmentation et d’impossibilité de gérer ces faits de trafics de stupéfiants pénalisants pour les quartiers, explique Hélène Gros. Cela peut nourrir un sentiment d’impuissance chez les acteurs de la ville, et d’abandon chez les habitants. » 

Il ressort aussi de ces travaux que les acteurs de la sûreté–sécurité–tranquillité–prévention ne collaborent pas toujours avec ceux de l’urbain et de l’habitat. « Ce sont des métiers avec des cultures professionnelles parfois assez éloignées », décrit Alice Collet. Enfin, la question de la gestion d’un quartier, qui participe aussi au sentiment de sécurité, n’est parfois pas suffisamment considérée dans les projets comme levier du quotidien.

Pour mieux anticiper, il faut identifier des interlocuteurs dans ces différents corps de métiers, et prendre l’habitude de se réunir pour réaliser une veille très fine sur ce qui se passe sur chaque site

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Sûreté et renouvellement urbain : notre dossier spécial

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« La prise en compte des enjeux de sûreté est un élément de qualité du projet urbain pour l’ANRU, informe Alice Collet. Cela suppose d’identifier les problèmes pour définir des orientations. » Pour ce faire, les acteurs peuvent s’appuyer sur les études de sûreté et de sécurité publique et les diagnostics locaux de sécurité. Ces études préalables permettent de faire des préconisations et de les intégrer en amont. « Nous essayons de donner aux acteurs des clés pour avancer sur ces sujets, les appuyer sur la méthodologie, et les accompagner dans l’organisation d’un partenariat et dans sa mobilisation sur le temps long », détaille Hélène Gros. Parmi les acteurs clés à solliciter : référents sûreté, bailleurs sociaux et partenaires du continuum de sécurité (polices nationale et municipale, DIPN/DDPN, gendarmerie…). « Pour mieux anticiper, il faut identifier des interlocuteurs dans ces différents corps de métiers, et prendre l’habitude de se réunir pour réaliser une veille très fine sur ce qui se passe sur chaque site », précise Émilie Vasquez, responsable du département des politiques de sûreté et de tranquillité résidentielle au sein de l’Union sociale pour l’habitat. Selon elle, convier les locataires autour de la table est indispensable. « Tous ces acteurs sont à un haut niveau de maturité sur ces sujets, le tout est d’arriver à bien les coordonner. C’est tout l’enjeu de la mission pilotée par l’ANRU », commente-t-elle.

Les chantiers de renouvellement urbain impactent le fonctionnement du quartier, le quotidien des habitants et des usagers. Des actions doivent être mises en place pour limiter les nuisances, adapter la gestion, informer largement et anticiper les risques d’insécurité liés au déroulement des travaux. Un outil dédié est proposé par l’ANRU : la grille de cotation. Elle vise à cerner ces risques en amont, à partir de six critères : le site de travaux et son environnement urbain ; le porteur du projet et les cibles potentielles ; la délinquance locale ; l’historique des chantiers proches ; la temporalité des travaux ; les dynamiques sociales et mesures d’accompagnement du chantier. La note finale de sensibilité globale aiguille sur la définition et la priorisation des actions de sécurisation passive ou active à mettre en place selon les opérations (réhabilitation, résidentialisation, démolition, construction), leur temporalité et leur localisation. Cet outil constitue un support utile pour établir un schéma partagé de sécurisation des chantiers.

Intégrer les enjeux de sûreté dès la phase de programmation permet de penser les espaces urbains au regard des usages quotidiens. L’ANRU promeut la « prévention situationnelle », qui vise à concevoir des espaces adaptés aux besoins des habitants et des usagers, en limitant l’insécurité : amélioration de l’éclairage public, suppression d’espaces traversants et cachés jugés criminogènes, ou aménagements favorisant une surveillance naturelle. « Nous pouvons travailler à la recomposition des espaces, requalifier, ou démolir et reconstruire, mais le fait délinquant va parfois se reconstituer. Le renouvellement urbain est une façon d’agir mais ce n’est pas une arme absolue », estime Alice Collet.

Intégrer la sûreté à toutes les étapes du projet

Pendant les travaux, l’ANRU est attentive à la stratégie de sécurisation des chantiers. « Les moyens de sécurisation doivent pouvoir être anticipés, d’où l’importance de bien qualifier la situation d’un site dès le départ. S’il y a des problématiques de délinquance voire de criminalité, on ne peut pas découvrir a posteriori qu’il y avait des besoins de sécurisation active », alerte Émilie Vasquez. Cela nécessite la mise en place d’une gouvernance associant les collectivités, les maîtres d’ouvrage, les forces de police, les services de l’État ; et d’un process pour pouvoir réagir le cas échéant. « Le partenariat, organisé par le porteur de projet de renouvellement urbain avec les acteurs du continuum de sécurité, est attendu dès le démarrage et sur le temps long de la vie du quartier, y compris à l’issue du projet urbain », explique Alice Collet. 

Objectif : pérenniser les actions entreprises pour le cadre de vie et la tranquillité des habitants. « Il faut que les quartiers soient livrés avec des méthodes de gestion adaptées : personnel aguerri, partenaires en alerte sur les dysfonctionnements qui pourraient ressurgir, équipements spécifiques », poursuit Émilie Vasquez. « La question de la sûreté est globale et les causes de l’insécurité sont multiples. Résoudre cette question appelle à des réflexions et à des actions articulées et adaptées sur des thématiques beaucoup plus larges que le renouvellement urbain », conclut Hélène Gros.

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