Agrandir l’image
© ANRU

Education

Nîmes : le pôle éducatif Jean-d’Ormesson, laboratoire de la réussite scolaire

En février 2020, le pôle éducatif et culturel Jean-d’Ormesson, à Nîmes, ouvrait ses 18 classes à 300 élèves du Mas de Mingue, quartier prioritaire qui entame sa transformation urbaine avec l’ANRU. Ce dispositif expérimental est tourné vers la réussite scolaire et ouvert sur le quartier.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

Publié le

Dans l’imposant hall d’accueil, la sonnerie entonne la mélodie du film Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Les notes de musique invitent les élèves de CE2 à rejoindre leur classe aux murs en béton brut et larges fenêtres ouvrant sur la garrigue. Au fond de la salle, Julie Zanot-Grimaud tire de longues cloisons blanches modulables qui laissent apparaître un atelier de 30 m2 où s’assoient les enfants. Au programme de ce lundi matin, une séance de travail avec une philosophe sur les émotions. C’est magique de pouvoir pousser les murs et travailler en petit groupe, accueillir un intervenant, pratiquer des arts plastiques, s’enthousiasme l’enseignante.

Inverser la tendance et construire un laboratoire de la réussite éducative
Inauguré en février 2020, le pôle éducatif et culturel Jean-d’Ormesson remplace l’ancienne école Albert-Camus au coeur du quartier prioritaire Mas de Mingue. Construit dans les années 1960, l’établissement vieillissant souffrait de l’image parfois dégradée qu’inspire le Mas de Mingue. Près de 40 % des parents inscrivaient leurs enfants ailleurs. Pour inverser la tendance, la ville de Nîmes a décidé d’innover et de construire un laboratoire de la réussite éducative, décrypte Audrey Graffin, cheffe de service municipal Politiques éducatives et inclusion.

 

Redonner envie aux familles d’inscrire leurs enfants dans cette école

Pour y parvenir, les enseignants d’Albert- Camus, les élèves et leurs parents, les acteurs associatifs et les services municipaux ont été longuement consultés par une sociologue et une anthropologue du CNRS. Le but était de configurer l’établissement en fonction des besoins matériels et des usages de chacun. De créer une école propice aux apprentissages et au bien-être, résume Christel Brudieux, cheffe de projet construction pour la ville de Nîmes.

Par exemple, à l’étage, une salle de coworking est ouverte à tout le personnel éducatif du pôle – agents de la médiathèque, du périscolaire, enseignants – pour faciliter la collaboration de tous au bénéfice des enfants. En bâtissant l’école à la frange du quartier, il s’agissait aussi, symboliquement, de redonner envie aux familles d’y inscrire leurs enfants, complète Audrey Graffin. L’établissement scolaire est par ailleurs le premier bâtiment municipal autonome en énergie, avec sa centrale photovoltaïque en toiture.

Hajar et Yanis : "Plusieurs de nos idées ont été retenues"

Nous avons participé pendant deux ans à des ateliers hebdomadaires pour donner notre avis sur le mobilier de la cour de récréation : pistes cyclables, couloirs d‘athlétisme, marelles, espaces calmes, jardins pédagogiques. Plusieurs de nos idées ont été retenues et équipent la cour. En arrivant dans l‘école, on avait l’impression de connaître un peu les lieux.

Ateliers scolaires le matin et habitants du quartier l'après-midi
Patiemment muri, le pôle Jean-d’Ormesson se positionne aussi comme un équipement ouvert aux habitants. Dans le hall qui sert d’accueil du public, sous le regard d’un agent municipal qui veille sur les lieux, des escaliers descendent vers la ludo-médiathèque. À côté, un fab-lab de 50 m2 est doté d’imprimantes 3D, de matériels de fabrication de petits objets en bois, de tissu. Les deux structures sont ouvertes aux élèves du Pôle le matin, à tous les habitants du quartier l’après-midi et durant les vacances scolaires. La ludo-médiathèque est le grand privilège de l’équipe pédagogique, car nous bénéficions d’un éventail de services : livres, jeux, ateliers, etc., précise Julie Zanot-Grimaud.

La ludo-médiathèque, un grand éventail de services dont tous les habitants peuvent bénéficier 

Ce lundi après-midi, l’enseignante emmène justement ses 22 élèves au fab-lab pour un atelier consacré au photographe Eadweard Muybridge. En contrebas, des salles sont ouvertes aux associations du quartier pour organiser des activités notamment de soutien scolaire ou des ateliers sociolinguistiques. Les marches en béton, elles, font office de gradins pour des cérémonies et événements culturels. Dehors, le city stade est accessible aux amateurs de basket une fois l’école fermée. Le Pôle est un modèle expérimental, son impact sur la réussite éducative nécessite d’être évalué. Mais la ville de Nîmes entend déjà l’appliquer pour la construction d’une autre école, au coeur du quartier Clos d’Orville.

Anne-Pierre Gavillet de Peney : "Un projet humain plus qu'un projet de bâtiment"

Dans ce bâtiment neuf et moderne, les enfants se sentent en sécurité. Ils prennent plaisir à venir à l’école où ils bénéficient de bonnes conditions d’apprentissage. Le plus grand nombre d’enfants accèdent à des activités qui stimulent leurs capacités et aptitudes. Ce contexte contribue à lutter contre l’absentéisme. En amont, tout le monde a travaillé sur les questions de réussite éducative et scolaire, de bienêtre de l’enfant, de la place des parents. Cette nouvelle façon d’avancer a permis de faire tomber les barrières entre institutions et d’impliquer les habitants. Mais le Pôle est avant tout un projet humain plus qu’un projet de bâtiment. Il y a une forte cohésion des équipes pédagogique, périscolaire, des services de la ville autour du Pôle.

 

 

L'école et le Nouveau Programme de Renouvellement Urbain en chiffres

337 constructions ou rénovations d’écoles sont soutenues par l’ANRU dans le cadre du NPNRU. Soit un tiers des équipements de proximité financés par l’ANRU  (chiffre de novembre 2021).
520 équipements éducatifs, scolaires ou parascolaires ont été construits ou réhabilités dans le cadre du PNRU. Soit 620 millions d’euros engagés.

Ariane Richard-Bossez : "L'école crée des liens au sein d'un quartier"

Ariane Richard-Bossez, sociologue de l’éducation, membre du réseau
« Éducation et renouvellement urbain »

Pourquoi l’école est-elle au coeur des dynamiques de renouvellement urbain ?
C’est un lieu fédérateur, de rencontres et de lien entre les habitants. La construction ou la réhabilitation d’une école envoie un signal fort sur l’importance que les pouvoirs publics accordent à l’éducation.

Quel est l’impact d’un nouvel équipement scolaire sur la réussite éducative ?
Le confort, la luminosité, l’isolation phonique, l’harmonie des couleurs, les classes modulables créent de meilleures conditions d’apprentissage et influent sur bien-être de l’enfant. Mais ce n’est évidemment pas suffisant, d’autres facteurs pédagogiques, familiaux entrent en jeu.

À quoi ressemblera l’école de demain ?
Les attentes actuelles dessinent une école durable, connectée, ouverte sur le quartier et sécurisée, accessible aux élèves en situation de handicap. Les pôles éducatifs, associant l’école à d’autres services, à l’image de celui du Mas de Mingue à Nîmes, font partie des nouvelles formes émergentes dont les effets seront à interroger.

École et renouvellement urbain : notre dossier spécial

Lire les autres articles du magazine