Agrandir l’image
L'architecte Émile Aillaud travaillant sur la maquette de Grigny (91). © Fonds Aillaud. SIAF/Cité de l'architecture et du patrimoine/Archives d'architecture contemporaine

Repères, Vie de l'Agence

Le renouvellement urbain : une discipline en constante évolution

En passant de la rénovation au renouvellement, de la démolition à la réhabilitation, les politiques de transformation urbaine montrent qu’elles savent s’adapter aux réalités des quartiers. Nous avons interrogés différentes actrices et acteurs de l'écosystème du renouvellement, habitués à travailler avec l’ANRU. Ils nous livrent leur regard sur ces évolutions.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

Publié le

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France doit reconstruire. Les hautes tours sortent de terre, transforment le visage des quartiers entre les années 1950 et 1970. Cette politique des « grands ensembles » a indéniablement permis un accès au confort moderne pour ses habitants. Mais ils sont nombreux à se plaindre de l’absence de commerces, de transports, de vie de quartier. Un changement de paradigme était nécessaire. La naissance de la politique de la ville à la fin des années 1970, la création d’un ministère de la ville en 1990 ou celle de l’ANRU en 2004 témoignent, chacune à leur façon, de cette volonté d’adapter l’intervention publique aux réalités des quartiers prioritaires. 

Prenons l’ANRU, bras armé de la politique de la ville depuis vingt ans. « Sa force est d’avoir créé un consensus politique historique qui a donné lieu à une efficacité opérationnelle indéniable et salutaire », estime Marion Talagrand, urbaniste et paysagiste, qui a notamment travaillé au Val Fourré à Mantes-la-Jolie pour l’ANRU 2. Même écho chez Loïc Josse, architecte, membre depuis 2006 du pôle d’appui de l’ANRU sur la qualité des projets de renouvellement : « L’Agence a permis de passer du stade de l’idée à la phase opérationnelle, avec des financements adaptés ».

Démolir, une vraie rupture 

Surtout, l’ANRU a porté une véritable rupture : la démolition-reconstruction pour améliorer, de manière significative et spectaculaire le cadre de vie des habitants. « La démolition de logements sociaux, dans les quartiers anciens et très dégradés, était un sujet jusque-là tabou », confirme Loïc Josse. 

Aujourd’hui, les grands principes de l’ANRU, aussi vertueux et opérants soient-ils, gagneraient à être revisités au regard de la diversité des territoires. C’est en tout cas l’opinion de Marion Talagrand : « Considérer l’existant, les singularités et les besoins de chaque site ne pourrait qu’enrichir les projets et réduire l’impact écologique dans certains cas. »

De nombreux architectes, urbanistes et paysagistes primés ont œuvré dans les quartiers. « La rénovation urbaine, qui représente un volume de marchés important, a constitué un laboratoire pour le renouvellement urbain au sens large. Elle s’est révélée formatrice pour des générations d’architectes, urbanistes et paysagistes », souligne Marion Talagrand. Citons, par exemple, Jacqueline Osty, grand Prix de l’urbanisme 2020. La paysagiste a conçu les espaces publics des Fossés-Jean/Bouviers à Colombes, ou encore dans le quartier des Indes à Sartrouville, le quartier Balzac à Vitry. « Travailler dans les quartiers prioritaires nous a appris à identifier ce qui fonctionne bien, ce qu’il faut réparer », estime quant à lui Loïc Josse.

...Suite de l'article ci-dessous

Lire notre dossier : le renouvellement urbain, quelle histoire !

...suite de l'article

De nouveaux défis à relever

Sans compter qu’émergent de nouveaux défis à relever en matière de renouvellement urbain : transition écologique, sauvegarde du patrimoine, égalité des chances, etc. « Avec l’ANRU 2, on est sorti du registre de réparation. Il s’agit de penser ces quartiers comme une ressource pour les territoires. À Mantes-la-Jolie, le Val Fourré représente la moitié de la population de la ville. La surface d’espaces publics à réaménager est énorme », insiste Marion Talagrand. 

Autre signe qui ne trompe pas : dans les écoles d’architecture, l’enseignement se focalise sur la transformation de l’existant, porté par la nécessité de réduire l’empreinte carbone de la construction. Les politiques publiques du renouvellement urbain sauront-elles s’adapter à cette nouvelle donne, cette fois-ci encore?

« Le renouvellement d’un quartier, c’est bien souvent la question du lien et du lieu. C’est un avenir, une histoire nouvelle à inventer, avec ce qui est déjà là, avec une mémoire humaine qui est constitutive du lieu, et avec un regard qui va au-delà de son strict périmètre : c’est y aller, en sortir, le traverser et en penser la réappropriation par ses propres habitants mais aussi par les habitants de la ville, pour le réincorporer dans la ville de tous. Un dispositif comme l’ANRU est indispensable. C’est un signe fort de l’engagement de l’État pour lutter contre l’inégalité urbaine et sociale, pour regagner une présence et une représentation républicaine sur tout le territoire, pour une bonne urbanité pour tous. C’est un chantier à mener sans relâche et sur tous les fronts : l’école, la santé, la sécurité, le transport et bien sûr sur celui de la ville et de son hospitalité, pour le quotidien de millions d’habitants et pour la cohésion de notre société. »

Découvrir les autres articles du magazine