Magazine En Villes : Dans quel état d’esprit arrivez-vous aujourd’hui à la présidence de l’ANRU ?
Patrice Vergriete : Enthousiaste ! Je suis très fier de la mission que m’ont confiée le président de la République et le gouvernement. Depuis plus de vingt ans, l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) transforme profondément la physionomie de nos villes et le quotidien de plus de 3 millions de Français. Porter les enjeux de la rénovation urbaine dans le débat public est indispensable aujourd’hui pour rappeler les valeurs que cette politique incarne et le rôle de cohésion sociale et territoriale qu’elle joue. Tout mon parcours professionnel, comme personnel, est marqué par cette passion de la façon dont on conçoit et fabrique nos villes. J’ai grandi dans un quartier populaire de Dunkerque, et que ce soit à l’OCDE, dans les cabinets ministériels de Martine Aubry ou de Claude Bartolone, à l’Agence d’urbanisme de Dunkerque, en tant que maire ou ministre du Logement, j’ai toujours eu à coeur de faire vivre, défendre et adapter aux enjeux contemporains et à venir les valeurs de nos villes « à la française ». L’ANRU et nos politiques de rénovation urbaine sont des leviers essentiels pour tenir tous les enjeux en même temps – aménagement, mobilité, solidarité, cohésion – et de le faire d’une façon unique au monde, par le compromis démocratique et le dialogue entre tous les acteurs de la ville, du monde économique au logement social, de l’État aux collectivités, avec au coeur, évidemment, les habitants. À l’image de nos villes, vivantes, en ébullition, même, parfois, l’ANRU porte de nombreux chantiers, et je suis impatient de poursuivre cette dynamique qui change la vie des Français.
Nous devons définir ensemble la façon d'être toujours plus efficaces dans la transformation des villes que nous construisons pour les cinquante prochaines années

Quelle est votre vision de la rénovation urbaine ?
La rénovation urbaine est parfois résumée aux lourdes opérations de requalifications bâtimentaires. Si cette fonction est clé, elle n’est qu’un aspect visible de l’effet de levier qu’elle entraîne. La rénovation urbaine est un travail de dentelle en réalité, subtil et de temps long. Pilier d’un aménagement urbain équilibré, elle ne peut s’appréhender sans réflexion plus globale sur les spécificités de chaque territoire, en connexion avec les autres quartiers et le développement des villes elles-mêmes. Elle est à la croisée de nombreuses autres politiques publiques pour atteindre une ambition forte : changer l’image des quartiers et villes qu’elle concerne, y compris celle des habitants sur eux-mêmes. Pour parvenir à ce changement de regard, il faut parfois travailler sur plusieurs générations. Il faut également se saisir, en même temps, de toutes les questions du quotidien : éducation, emploi, sécurité, pouvoir d’achat ou encore animation des espaces publics, pour qu’ils soient de véritables lieux de rencontres et de lien social.
L'ANRU porte de nombreux chantiers et je suis impatient de poursuivre cette dynamique qui change la vie des Français
La rénovation urbaine répare. Elle doit faciliter et apaiser la vie immédiate des habitants et corriger les dysfonctionnements urbains et sociaux qui gâchent le quotidien et nourrissent le sentiment de relégation. Pour cela, elle doit s’adapter aux spécificités des territoires et aux dynamiques économiques et démographiques. Chaque projet est toujours unique. Les besoins de Forbach ne sont pas ceux de Nantes. L’ingénierie et la méthode d’intervention menée depuis vingt ans ont fait leurs preuves de lutte contre le décrochage de certains quartiers et vraiment amélioré la qualité des logements, permis la construction de nouveaux équipements publics et pensé l’absolue nécessité de retisser du lien entre les quartiers.
À plus long terme, quels sont les enjeux de la rénovation urbaine ?
La rénovation urbaine prépare aussi l’avenir. Elle doit rendre désirables la ville et ses quartiers en définissant et anticipant ce que seront les besoins et attentes des personnes pour les cinquante prochaines années au moins. En cela, si relever le défi climatique et énergétique est un impératif absolu pour lutter contre des inégalités supplémentaires qui s’ajoutent à celles socio-économiques, cela permettra aussi d’agir contre le sentiment d’exclusion et les galères des fins de mois. En faisant de la ville un lieu de qualité où habiter et vivre, non seulement on allège les factures énergétiques, mais on peut changer les comportements de consommation, de déplacement, d’espoir éducatif ou d’accès à l’emploi. Pour moi, les enjeux de rapprochement des trajets domicile-travail, du raccrochage à l’emploi et de l’accès à la réussite scolaire pour tous sont des dimensions cruciales.
Quelles seront les priorités de votre mandat ?
La période qui s’ouvre sera dense et je souhaite, avec l’appui de tous les collaborateurs de l’ANRU, que nous puissions embarquer l’ensemble de l’écosystème de la rénovation urbaine dans les défis que je viens d’esquisser. À court terme, il est essentiel que nous allions au bout de l’exécution des programmes engagés et d’en assurer le financement. Il est impensable de s’arrêter au milieu du chemin. Nous ne pouvons pas freiner des opérations tant attendues par les habitants. En parallèle, le travail conduit autour du rapport pour l’avenir du renouvellement urbain nous offre l’occasion incroyable d’aborder toutes les questions clés sur la façon dont nous envisageons la politique publique pour les années à venir, pour les territoires et les populations les plus fragiles. Cette réflexion, je souhaite la poursuivre sur le terrain avec les élus locaux, mais aussi dans le dialogue le plus large possible avec le gouvernement, les partenaires sociaux, les bailleurs et aménageurs. Nous devons définir ensemble la façon d’être toujours plus efficaces dans la transformation des villes que nous construisons pour les cinquante prochaines années. Si notre responsabilité est importante, elle est surtout exaltante !
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