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Dominique Alba, François Lamy et Marco Oberti © Sylvie Dupic

Lutter contre la ségrégation socio-spatiale : grand entretien avec Dominique Alba, François Lamy et Marco Oberti

La ségrégation socio-spatiale est l’un de ces serpents de mer qui revient à chaque embrasement, avant de sombrer à nouveau dans l’indifférence relative du plus grand nombre… Pour mieux comprendre les ressorts de ce phénomène et envisager de nouvelles pistes d’actions, l’ANRU a organisé une rencontre entre l’ancien ministre de la Ville François Lamy, le sociologue Marco Oberti et Dominique Alba, architecte, directrice générale des Ateliers Jean Nouvel et ex-directrice générale de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur).

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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En France, on parle de ségrégation socio-spatiale pour désigner la séparation géographique des populations en fonction de critères socio-économiques, aboutissant à une concentration des classes sociales dans certains endroits. Ça n’a rien d’un phénomène récent : l’immeuble haussmannien organisait déjà la division sociale, entre les étages, entre le côté cour et le côté rue. Mais avec le boom de construction des Trente Glorieuses, la France a vu la fragmentation changer d’échelle. L’industrialisation rapide et l’afflux massif de travailleurs ont conduit à la création de grands ensembles en périphérie des villes, spécialisés dès leur conception dans le logement social à bas coûts alors qu’au même moment les classes plus favorisées s’installaient dans des quartiers plus attractifs, accentuant progressivement la fracture sociale et la polarisation des territoires avec des conséquences désastreuses sur la promesse d’égalité républicaine et l’accès aux services publics.


Face à cela, l’État a mis en place plusieurs politiques publiques visant à favoriser la mixité sociale et à lutter contre la fragmentation urbaine. Depuis les années 1990, la politique de la ville, via la mise en place des zones urbaines sensibles (Zus), la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), la création de l’ANRU et le déploiement du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) puis du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), s’attache à réduire les inégalités territoriales à travers des programmes embarquant de nombreuses problématiques : logement, espaces publics, mobilité, lien social, éducation, développement économique et accès à l’emploi, sécurité, culture, santé…


Malgré ces efforts et les moyens considérables mis en œuvre, les résultats demeurent contrastés tant les défis sont complexes et les leviers à actionner nombreux… •

 

Quelle est votre définition de la ségrégation ?

Marco Oberti : Pour moi, la ségrégation renvoie à l’inégale répartition des groupes dans les différents espaces d’une ville, sachant que cette inégalité peut s’observer à différentes échelles selon différents critères : catégorie sociale, revenus, composition familiale ou origine ethnique…


François Lamy : J’aurais du mal à vous donner une définition unique car la ségrégation socio-spatiale revêt des réalités très différentes d’un territoire à l’autre. Mais le dénominateur commun c’est qu’à un moment donné une portion du territoire se spécialise et est progressivement mise à l’écart du reste de la communauté


Dominique Alba : Pour ma part, je dirais qu’il y a ségrégation dès lors que l’on se sent assigné à résidence et que l’on n’a plus le choix de son parcours, pas d’horizon pour écrire son histoire. 


Marco Oberti : Le concept de ségrégation prend en compte à la fois les processus structurels, les comportements et les stratégies des différents groupes. Les classes favorisées privilégient souvent l’entre-soi, une sorte « d’autoségrégation » ou de ségrégation choisie très structurante pour les inégalités urbaines. La ségrégation des populations défavorisées et/ou stigmatisées est plus souvent subie, même si elles peuvent y trouver un terreau fertile pour développer des ressources importantes : de la solidarité, de l’entraide, des services, une réassurance… 


François Lamy : On le voit bien avec les populations d’origine immigrée. Naturellement, lorsqu’on arrive dans un pays étranger, on a tendance à se regrouper entre soi et c’est ce que font d’ailleurs souvent les expatriés français ! À ce réflexe naturel s’ajoutent d’autres facteurs dans les quartiers concernés comme des loyers moins chers et des systèmes d’attribution de logements facilitants. Donc tout n’est pas subi, certes, mais en même temps ce phénomène n’est pas totalement choisi car il ne peut se produire que dans les cités. 


Dominique Alba : Les catégories les moins aisées portent en outre le lourd héritage d’une forme urbaine – les grands ensembles – qui reste l’image de la ségrégation accentuée par une erreur structurelle de stratégie : un immobilisme urbain contre nature, la ville est une situation en mouvement, en relation et ce qui ne bouge pas, qui n’est pas en lien, sombre.

« La ségrégation des populations défavorisées et/ou stigmatisées est plus souvent subie. »
Marco Oberti

Au fond, est-ce que les gens ont envie de vivre ensemble ?

Marco Oberti : Des travaux américains ont montré que les niveaux d’acceptation de la mixité varient selon les groupes. Schématiquement, aux États-Unis, on sait que le plafond de tolérance des blancs est bien plus bas que celui des noirs… Cela renvoie à ce que je disais plus haut ; ce sont souvent les groupes dominants qui sont les plus réticents vis-à-vis du vivre-ensemble, que j’interprète comme la capacité à vivre l’hétérogénéité du voisinage. 


Dominique Alba : Je ne sais pas si les gens ont envie ou pas de cohabiter, en revanche je suis persuadée que le vivre-ensemble et le lien social sont des richesses précieuses. Une étude américaine menée dans le sillage du Covid a d’ailleurs révélé que, toutes choses égales par ailleurs, les quartiers où les liens sociaux étaient les plus opérants avaient présenté moins de mortalité que les autres. Le vivre-ensemble améliore la résilience ! 
 

François Lamy : Il n’y a pas à chercher bien loin pour trouver des rejets francs et massifs du vivre-ensemble, principalement sur des critères ethniques. Mais à mes yeux, il y aurait une autre question à poser : est-ce qu’on a envie de se rassembler autour des mêmes valeurs, autour d’une communauté nationale ? L’avantage de cette formulation, c’est qu’elle enjambe l’admissibilité sociale ou ethnique. Elle permet de trouver d’autres clés, qui faciliteront autrement les brassages. Ces clés pourront être sportives, culturelles, entrepreneuriales… Partout où on peut cultiver une certaine idée du pays qui donne envie de participer activement. Bien sûr, cela implique un accompagnement opérant de la société, à commencer par l’école et cela implique aussi un long travail à mener pour que les valeurs de notre pays redeviennent des moteurs de l’action publique.

« Je suis persuadée que le vivre-ensemble et le lien social sont des richesses précieuses. »
Dominique Alba

Comment la ségrégation évolue-t-elle ces dernières années ?

François Lamy : Dix ans après la mise en place de la géographie prioritaire de la politique de la ville, force est de constater que la ségrégation socio-spatiale par l’aggravation de la pauvreté ne perd pas de terrain, elle est même apparue dans de petites et moyennes villes et dans des territoires ruraux. Parallèlement, on observe un renforcement des « ghettos de riches ». 


Marco Oberti : La réponse à cette question varie considérablement en fonction des critères que l’on retient : les revenus ?  La catégorie socio-professionnelle ? Le nombre d’enfants par ménage ? Ainsi, si on s’intéresse aux revenus, les travaux les plus récents indiquent effectivement une augmentation de la ségrégation des plus riches par rapport aux autres. En revanche, si on se base sur les catégories socio-professionnelles on observe plutôt une relative stabilité sur trois décennies. Par ailleurs, la vision de la situation dépend grandement de l’échelle à laquelle on l’observe : plus le maillage est fin, plus la ségrégation est forte. 
 

Dominique Alba : Pour ma part, je vais me concentrer sur le terrain que je connais le mieux : à Paris, la mixité s’est améliorée. C’est le résultat d’une volonté politique forte mise en œuvre, entre autres, grâce à la mobilisation de tous les outils de la loi SRU. Mais il n’y a pas de recette parisienne, il y a souvent des contrepoids puissants : offre de logement mal adaptée, déplacements limités, environnement scolaire défaillant et chaque situation doit pouvoir recevoir une réponse adaptée.

« La mixité peut être un puissant levier pour amener tout le monde vers le haut. »
François Lamy

La loi SRU a-t-elle eu les effets escomptés sur la mixité ?

François Lamy : La loi SRU a sans conteste permis de débloquer certains verrous de la ségrégation mais elle ne règle pas tout, d’autant plus qu’elle n’est pas encore totalement appliquée et qu’elle fait l’objet de multiples stratégies d’évitement. C’est un outil précieux, optimisable sans doute, mais avec précautions, pour éviter les effets pervers des bonnes idées… Je citerais Marseille en exemple : en 2019, le Plan local d’urbanisme (PLU) prévoyait de corréler niveau de constructibilité et qualité de la desserte en transports en commun. Résultat, certains ont décidé de ne pas faire de transports publics pour ne pas avoir à produire de logements… 


Marco Oberti : Je pense pour ma part qu’on pourrait améliorer la portée du texte en prenant en compte le niveau inframunicipal. Jusqu’à présent le quota de logements sociaux est fixé à l’échelle de la commune et beaucoup de villes ont préféré la concentration dans un quartier spécifique à la dissémination. Il faudrait un élément qui régule la répartition sur le territoire communal. On devrait aussi pouvoir articuler loi SRU et sectorisation scolaire pour maximiser les effets des deux dispositifs.


Dominique Alba : L’articulation de la loi SRU et de la carte scolaire me paraît également essentielle, mais j’aimerais aussi voir émerger des réflexions sur l’accueil des très pauvres et des gens à la rue. Aujourd’hui, l’hébergement d’urgence est absent des débats alors que c’est le parc le plus dégradé, avec une situation de relégation insupportable. Il y a là une bombe sociale à retardement. Alors qu’il est possible de changer les choses même là où ça semblait impensable : lorsque la maire de Paris a fait construire un CHU préfabriqué dans le XVIe arrondissement, l’hostilité a d’abord été très forte mais finalement le centre a trouvé sa place dans le quartier.

« On devrait pouvoir articuler loi SRU et sectorisation scolaire pour maximiser les effets des deux dispositifs. »
Marco Oberti

Est-ce que la ségrégation est une menace pour la société ?

François Lamy :  Je dirais surtout que c’est une menace pour l’idée qu’on se fait de ce pays. Il est insupportable qu’on ait, en France, des quartiers où on vit dans un enfermement social, culturel, religieux, caviardé par des réseaux mafieux, sans que ça ne semble déranger personne. L’année dernière, j’ai eu l’espoir que ça puisse changer quand les émeutes se sont propagées dans les centres-villes. J’aurais cru que certains allaient prendre note, qu’ils réaliseraient qu’il y a à côté d’eux une bouilloire prête à exploser parce qu’on l’a oubliée dans son coin. Je crains qu’il faille que les plus favorisés aient peur pour leur confort pour qu’on se décide à prendre le problème à bras le corps en luttant enfin activement contre les inégalités et la relégation. Mais pour l’instant ça n’est pas encore le cas. 


Marco Oberti : Il y a beaucoup d’a priori sur la ségrégation et la mixité… On a ainsi tendance à confondre mixité et relations harmonieuses entre groupes sociaux. Mais c’est oublier que la société harmonieuse est un idéal inatteignable. La vie sociale suppose des inégalités, des groupes qui s’opposent et des conflits ! Il ne suffit pas de rapprocher dans l’espace résidentiel et scolaire des groupes sociaux différents pour que cela produise mécaniquement des relations harmonieuses et apaisées entre eux. En revanche, la ségrégation est un facteur important d’aggravation des inégalités, d’amplification des discriminations, et c’est pour cette raison-là qu’il est légitime d’un point de vue politique de faire de la lutte contre la ségrégation un objectif central. Faire reculer la ségrégation scolaire aura peu d’effets sur la nature des relations que les parents de milieux sociaux différents peuvent entretenir, mais cela peut avoir un effet très significatif sur les environnements de scolarisation des enfants, sur l’ouverture des possibles, sur les perspectives de vie, dont on sait l’importance dans des parcours de mobilité sociale et scolaire. 


François Lamy : C’est aussi la conclusion à laquelle j’étais parvenu avec mes équipes du ministère de la Ville avant de quitter le gouvernement en 2014. On s’était beaucoup interrogé sur la raison d’être de la politique de la ville et nous étions arrivés à la conclusion que cette raison d’être, c’était essentiellement la lutte contre la concentration des pauvretés, qu’elles soient sociales ou culturelles ou autres. Et à cet égard la mixité peut être un puissant levier pour amener tout le monde vers le haut.


Marco Oberti : Pour en revenir aux émeutes évoquées plus tôt, je voudrais souligner qu’il existe bel et bien une forte corrélation avec la ségrégation résidentielle, mais aussi scolaire. Avec Maela Guillaume-Le Gall, nous montrons que, toutes choses égales par ailleurs, les villes qui comptent un QPV ou une école très défavorisée ont une plus forte probabilité de connaître des émeutes par rapport aux villes qui n’en ont pas. Sommes-nous prêts à payer collectivement le coût de ces situations explosives ?

« Pendant trop longtemps on a traité les quartiers comme s’ils étaient des objets isolés dans leur périmètre bien circonscrit. »
Dominique Alba

Pourquoi ça coince ?

François Lamy : Pourquoi en sommes-nous là, aujourd’hui avec cette ségrégation qui ne veut pas reculer ? Je pense notamment que nous ne nous sommes pas encore assez posé la question du peuplement. Pourquoi la Barre du Lignon, près de Genève, avec ses 1,5 km de longueur et ses 16 étages, ne présente pas de problèmes majeurs soixante ans après sa construction, alors que le Mirail à Toulouse – qui lui a pourtant servi de modèle – est en crise permanente ? 
Je ne connais pas tous les détails des deux opérations, mais je sais qu’au Lignon il existe une commission de peuplement qui orchestre les attributions d’appartements en cherchant à rapprocher des gens qui n’auraient pas vécu côte à côte spontanément. En France, cette question du peuplement est taboue parce qu’elle a une connotation ethnique qu’on se refuse à regarder en face. Résultat, on la délègue volontiers aux bailleurs qui ont leurs propres priorités stratégiques. À Palaiseau, dont j’ai longtemps été le maire, il y avait deux cités jumelles en face l’une de l’autre. L’une était habitée essentiellement par des blancs, l’autre très majoritairement par des populations d’origine immigrée. Les deux bailleurs en présence avaient simplement fait des choix différents en fonction de leur modèle économique mais leurs décisions ont créé d’emblée une séparation territoriale entre deux communautés.  


Marco Oberti : On a aussi des exemples de territoires où les politiques d’attribution ont été instrumentalisées à des fins politiques. Je pense en particulier aux Hauts-de-Seine où une partie du parc de logements sociaux gérée par l’office départemental a fait l’objet de stratégies délibérées de concentrations des populations jugées « indésirables » dans certaines communes. Ce jeu politique a pesé très lourd dans l’inégale répartition des populations dans le département et ses effets sont encore très visibles aujourd’hui.

« Tant que nous ne reconnaîtrons pas qu’il y a des disparités sociales et spatiales dans ce pays, nous avancerons moins vite que la ségrégation. »
François Lamy

Comment accélérer la déségrégation ?

Dominique Alba : Vivre ensemble, se rassembler autour de valeurs, ce sont des projets. Et un projet, ça se mène à différentes échelles, de l’échelle nationale à l’échelle individuelle. Pendant trop longtemps on a traité les quartiers comme s’ils étaient des objets isolés dans leur périmètre bien circonscrit, hors contexte et hors échelle. Un réflexe d’autant plus absurde que ces délimitations n’existent que dans les yeux de ceux qui les ont tracées car personne n’habite un règlement d’urbanisme ou un PLU ! 


François Lamy : Personnellement je pense que les périmètres sont indispensables si l’on veut appliquer des politiques publiques différenciées mais il faut pouvoir en sortir, pour s’adresser au quartier « vécu » et à sa place dans le territoire. J’ai d’ailleurs un regret à ce sujet, car lorsque j’étais ministre de la Ville, nous avons choisi de miser sur un pilotage intercommunal. Ça s’est révélé être une erreur puisque cette décision a éloigné les décideurs politiques des populations qui devaient bénéficier des politiques publiques. 


Dominique Alba : Il nous faudrait aussi prendre en compte l’ensemble des liens qui articulent les territoires les uns aux autres. Bien sûr, ce n’est pas simple, parce que ça multiplie le nombre d’informations à prendre en compte quand on décide d’agir quelque part. Les acteurs de la ville sont souvent partagés entre ceux habitués à manier des objets très lourds, des bâtiments, des infrastructures, des espaces publics, et ceux qui prennent en charge les gens, leurs référentiels culturels, leurs aspirations, leurs contraintes, sans doute le plus lourd ! In fine, c’est le plus important. Cela nécessite de documenter le territoire avec un regard très fin, qui repose au moins autant sur la donnée qualitative que sur les chiffres, qui puisse aller de l’hyperlocal au global. Les agences d’urbanisme savent le faire et il faudrait que les différents acteurs des villes de demain s’appuient davantage sur elles. Par la suite, au stade du projet, il faut continuer d’être à l’écoute du territoire et de ses différentes composantes. Cela signifie concerter et coconstruire, évidemment, mais aussi éventuellement s’appuyer sur tous les outils que peuvent apporter l’urbanisme transitoire pour impliquer les habitants, expérimenter avec eux et mobiliser les élus autrement.


François Lamy : Un autre problème majeur à mes yeux c’est que les politiques publiques qui sont menées nationalement s’adressent à des publics et pas à des territoires. C’est vrai pour le logement, mais aussi pour tous les moteurs des villes : l’école, la mobilité, l’accès à l’emploi, le développement économique, la culture, le maintien de l’ordre… Par exemple, on a des REP et des REP+ pour lutter contre les inégalités scolaires, mais on n’articule pas ces dispositifs avec la géographie prioritaire… Et quand les territoires prennent des initiatives qui marchent, elles ne sont pas répliquées parce que le pouvoir central ne s’en empare pas. Tant que nous ne reconnaitrons pas qu’il y a des disparités sociales et spatiales dans ce pays et qu’il faut des politiques différenciées où chacun se mobilise en même temps, nous avancerons moins vite que la ségrégation…  


Dominique Alba : Je voudrais également aborder deux sujets qui pourraient nourrir les réflexions sur la lutte contre la ghettoïsation de notre société. Le premier, c’est de retrouver un parcours résidentiel, ce qui est majeur, ainsi que la prise en compte de la mobilisation du parc construit sous-occupé, comme les résidences secondaires ou les immeubles de bureaux vidés par le télétravail, représentant une opportunité qu’il ne faut pas laisser passer. Le second point que je souhaitais évoquer c’est l’omniprésence du smartphone qui a révolutionné notre sociabilité, notre rapport au territoire et la notion même de proximité. Là aussi, il y a une matière à mobiliser pour décloisonner les territoires. Enfin, j’appelle de mes vœux des travaux sur le partage de la ressource entre territoires voisins. Des initiatives sur le plan énergétique et environnemental sont nées sous la contrainte, avec par exemple des échanges de raccordement à une ferme solaire contre un branchement à un réseau de chaleur. Mais, si on va un peu plus loin dans l’analyse, ça élargit les périmètres et casse les frontières de manière très opérationnelle. Cet état d’esprit pourrait bénéficier à bien d’autres domaines…


François Lamy : Plus généralement, nous avons besoin d’une réflexion d’ampleur sur la façon de construire la ville. Il faut que les pouvoirs publics s’interrogent sur leurs outils et leurs schémas de pensée. À ce propos, je me félicite de ce débat avec l’ANRU qui n’aurait pas pu avoir lieu il y a dix ans. J’observe que l’Agence a compris qu’elle ne pouvait pas uniquement fabriquer du contenant et qu’elle devait s’adresser aussi aux « contenus » pour développer un modèle intégré qui se préoccupe autant de développement économique que de santé, d’éducation que de culture. Ce qui plaide, de mon point de vue, pour une évolution de son positionnement. J’aimerais que son périmètre – encore ! – soit élargi, jusqu’à devenir une véritable agence de la ville. •