Développement durable
Jean Jouzel : "Le renouvellement urbain permet une synergie entre impératifs environnementaux et qualité de vie"
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Quel effort l’humanité doit-elle réaliser pour éviter un réchauffement de 2 °C en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels ?
Nous devons réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030. C’est indispensable pour que les jeunes générations soient en mesure de s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique dans la deuxième moitié du siècle. Il faut reconnaître que nous n’en prenons pas le chemin et que l’engagement de 2 °C pris dans l’accord de Paris n’est pas suivi d’effet.
Quelle est la part que l’on doit à l’urbanisme au sens large dans le total des émissions de gaz à effet de serre ?
50 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues aux activités domestiques : se loger, se déplacer – activités qui ont trait à l’urbanisme – ainsi que se nourrir. Cela représente environ la moitié des émissions émises mondialement, un peu moins de 30 milliards de tonnes de CO2 (ou équivalent-CO2). L’urbanisme a donc un rôle central à jouer dans la réduction des gaz à effet de serre. Notre Stratégie nationale bas carbone (SNBC) compte d’ailleurs beaucoup sur le secteur du bâtiment pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Compte tenu de leur impact environnemental, il y a par exemple un enjeu majeur à être vigilant sur la qualité des matériaux de construction et travailler à un meilleur réemploi de ceux issus des déconstructions.
Quelle importance accordez-vous au renouvellement urbain ?
Le renouvellement urbain permet une vraie synergie entre l’atteinte d’objectifs d’amélioration de la qualité de vie des habitants et de prise en compte des impératifs environnementaux. Par définition, en reconstruisant la ville sur la ville, il participe à la limitation de toute artificialisation des sols supplémentaire. Il faut penser le développement de l’urbanisme qui s’est trop longtemps fait – et encore aujourd’hui parfois – de façon anarchique, sans se préoccuper suffisamment de l’étalement urbain, des mobilités et des problématiques environnementales globales. L’extension des métropoles par cercles concentriques le long d’autoroutes urbaines ne devrait plus se poursuivre.
Il faut parler de justice sociale mais il ne faut pas oublier la justice climatique (...) car le changement climatique va encore accroître les inégalités.
En quoi la lutte contre le réchauffement climatique revêt un enjeu majeur dans les quartiers populaires ?
Comme d’autres l’ont dit avant moi, je pense que si on ne résout pas le problème social, on ne résoudra pas le problème climatique. Il faut parler de justice sociale mais il ne faut pas oublier la justice climatique car, dans un monde où les inégalités tendent à augmenter, le changement climatique va encore les accroître. Il risque de toucher dans un premier temps les personnes vulnérables socialement et financièrement.
Concrètement, quelles sont les conséquences pour les habitants de ces quartiers ?
Par exemple, lorsqu’il fait trop chaud en ville, certains partent chercher la fraîcheur à la campagne. Mais combien de personnes peuvent se payer ce luxe, en particulier dans les quartiers les plus défavorisés ? Les vagues de chaleur sont d’une inégalité flagrante ! Par ailleurs, le lien entre la lutte contre le réchauffement climatique et la vie de tous les jours ne se fait pas toujours spontanément. Il faut faire comprendre au plus grand nombre que cela se traduit souvent très concrètement dans le montant des factures d’électricité ou de gaz. Cela varie en fonction du système de chauffage mais, globalement, moins on a besoin de chauffer, moins on émet de gaz à effets de serre, moins la facture énergétique est élevée.
Dans vos travaux vous insistez sur l’intégration des connaissances. De quoi s’agit-il ?
Nous ne parviendrons pas à traiter le réchauffement climatique si nous ne mettons pas en commun toutes nos connaissances. C’est pourquoi je voudrais plus d’échanges entre toutes les communautés, par exemple celle des architectes, des ingénieurs et des climatologues. Nous nous sommes trop longtemps ignorés. Le fait que l’ANRU se montre attentive à ce sujet est à ce titre intéressant au regard de la multitude d’acteurs qu’elle implique dans ses projets : élus, citoyens, bailleurs sociaux, urbanistes…
Si j'étais jeune, je me sentirais plein d'enthousiasme, car il y a beaucoup à faire !
Terminons par une question plus personnelle… Vous gardez toujours le sourire, même en traitant d’un sujet grave comme celui de la crise climatique. D’où vous vient cette expression d’optimisme ?
Je veux qu’on garde l’espoir car nous avons les moyens de garder le réchauffement climatique dans la limite de 2 °C. Que les citoyens adhèrent, qu’ils entrent en lutte, qu’ils soient solidaires, voilà qui va permettre de traiter la crise climatique, d’améliorer notre qualité de vie, de diminuer les disparités sociales, de créer des emplois et de dynamiser l’économie. Si j’étais jeune, je me sentirais plein d’enthousiasme, car il y a beaucoup à faire !
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