Cadre de vie
La Courneuve : la rénovation urbaine racontée par ses habitants
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Il trône au-dessus de la dalle commerciale. Le mail de Fontenay est le dernier géant des « 4000 Sud » de La Courneuve. Il abrite 1 200 habitants. Parmi eux, Mélanie Ouledi, 26 ans. À l’horizon 2025, cette barre d’immeuble sera partiellement déconstruite pour faire place à des espaces verts et de petites résidences, mieux intégrées au tissu urbain. D’ici quelques mois, la jeune femme sera relogée avec sa famille au Blanc-Mesnil. Je suis une enfant des 4000. J’ai adoré grandir ici.
Ses premiers souvenirs remontent à 2003, dans la Tour du Général Leclerc située juste en face. Avant d’arriver au mail, nous vivions dans un studio avec ma mère et mes trois sœurs. C’était trop petit
, décrit-elle. Sa grand-mère, Annie Vibert, a aussi occupé ce mastodonte de béton. En 1972, elle s’installe au 26e étage. Que c’était haut ! Nous avons eu un F2 puis un F4. C’était génial, grand, bien agencé et il y avait de la couleur
, se remémore l’ancienne câbleuse dans l’électronique.
La Courneuve, c'est mon bébé (...) je n'ai pas envie de la quitter !
Dans les années 1970, pour arrondir ses fins de mois, Annie Vibert fait des remplacements de gardienne d’immeuble à Renoir. Elle y écoute les problématiques locales. De vigie des 4000, elle devient leur porte-voix en 2011, en tant que présidente de l’Amicale des locataires. Ici tout le monde me connaît. Je fais remonter ce qui ne va pas dans les logements à l’Office public de l’habitat Seine-Saint-Denis.
En 2009, elle déménage dans de nouveaux bâtiments, rue François Villon. La Courneuve, c’est mon bébé. Malgré les trafics qui persistent, je n’ai pas envie de la quitter.
Même sentiment d’appartenance pour Evelyne Vosgy. Cette sexagénaire occupe le même appartement de la Tour du Général Leclerc depuis 48 ans. De sa fenêtre, elle a observé les étapes successives du renouvellement urbain. Difficile d’imaginer où étaient les tours avant. Ils ont cassé ces immeubles qui bouchaient les perspectives. Aujourd’hui, j’ai une vue superbe sur Bobigny, La Courneuve et Aubervilliers
, se réjouit-elle. En 1986, le Grand Debussy tombe. C’est la première démolition des « 4000 ». Abdel Saadouni qui a grandi dans l’ancien bidonville du parc de La Courneuve se souvient encore du jour où la tour est grignotée par les mâchoires d’une grue géante : Le bâtiment coupait du soleil. La lumière est revenue. Ce fut comme une respiration.
Presov et Ravel, deux barres jumelles de 15 étages partent en fumée en 2003. En 2011, c’est au tour de Balzac.
C’était un petit royaume ici. Il y avait une vraie solidarité entre les gens
Dans les années 1970, la Tour du Général Leclerc abritait une population composée en majorité de commerçants et d’employés de l’administration. C’était un petit royaume ici. Il y avait une vraie solidarité entre les gens. Nous étions très heureux et nous n’avions pas peur de sortir le soir. Les choses ont commencé à se dégrader à partir de 1980-81
, raconte Evelyne Vosgy. L’habitante déplore la disparition progressive des commerces et des infrastructures comme le centre médico-social et la Caisse primaire d’assurance maladie. En contrebas, subsistent une supérette, une boulangerie, un lunetier et une pharmacie. Une pépinière d’entreprises y est aussi installée.
Place Georges-Braque, un groupe d’hommes discutent, adossés à la devanture de l’Association du 17 octobre 1961 - jour de la sanglante répression policière contre la manifestation des Algériens à Paris. Ici, c’est ouvert à tout le monde. Nous passons le temps, jouons aux cartes, discutons
, explique Areski Aitidir. À 53 ans, lui aussi partage cette mémoire des 4000. C’était un village ici quand j’étais enfant. J’ai vécu dans tous les bâtiments qui sont tombés. Aujourd’hui, La Courneuve a beaucoup changé. Il y a eu de nombreuses améliorations, c’est plus agréable, plus aéré mais les conditions de vie n’ont pas vraiment changé
, commente-t-il. Tous ces changements sont positifs dans les infrastructures, c’est plus humain, mais la qualité des logements n’a rien enlevé à la précarité
, complète Abdel Saadouni. Ici, le taux de pauvreté affleure les 41 %.
Il fut un temps où, sans être accompagné, tu ne pouvais pas te balader ici
Si la disparition des tours a adouci l’architecture des 4000, les problématiques sociales et sécuritaires persistent dans cette cité de Seine- Saint-Denis. Les 4000, ce n’est plus ce que c’était, ça s’est vraiment calmé. Il fut un temps où, sans être accompagné, tu ne pouvais pas te balader ici
, signale Abdel Saadouni. Longtemps, cette banlieue parisienne a été en proie à la violence et aux rivalités entre clans pour le contrôle du trafic de drogue. Jusque dans les années 2000, depuis la gare, un parcours fléché guidait les acheteurs vers Balzac. Quand la tour tombe, les dealers migrent vers le Petit Debussy. L’immeuble est détruit en 2011.
Permettre aux Courneuviens de se réapproprier l’espace public et leur offrir de meilleures conditions de vie, c’est tout l’enjeu de ce programme de renouvellement urbain. Implantée sur les vestiges de Balzac, la résidence Frida Kahlo illustre la transformation du secteur Ouest. Finalisé en 2017, cet ensemble de constructions bigarré abrite vingt logements collectifs et cinq maisons individuelles. Rue Frédéric Joliot Curie, des enfants foulent le gazon du terrain de foot synthétique. Gamins, nous rêvions d’avoir un terrain comme celui-ci. Si nous l’avions eu, nous serions devenus des footballeurs professionnels
, formule Abdel Saadouni. Le nouveau groupe scolaire attenant pourra bientôt recevoir 24 classes. D’ici à 2026, la Gare La Courneuve Six-Routes accueillera les lignes 16 et 17 du nouveau métro. Nous pourrons rejoindre La Défense en 10 minutes ! Cette transformation urbaine est une réussite grâce à l’implication de la ville, des bailleurs, des partenaires mais il manque cette ambiance d’autrefois. L’âme des 4000 s’est un peu estompée
, observe-t-il.
Il parle de la transformation du quartier
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